Historique de la maison Radiguet, paru dans L'Industrie Parisienne, décembre 1888, n° 11-12, dans la rubrique Mécanique, Electricité, Instruments de précision. L'auteur, Joseph Rouyer, est un ancien lunettier qui publiera une histoire du métier.

Texte et renseignements aimablement communiqués par Stéphane Buzzi.

 

MAISON RADIGUET

Fondée en 1805

La maison sur laquelle nous appelons aujourd'hui l'attention a été fondée en 1805 par Mme Collot, à cette dame succéda d'abord M. Louis Chevalier, puis, vers 1830, M. Marie Radiguet, opticien bien connu dans les sciences par sa fabrication de glaces à surfaces planes et parallèles pour les instruments de marine.

A M. Marie Radiguet succéda son fils Honoré, qui, aidé plus tard par l'un de ses fils, Arthur Radiguet, donnèrent à leur maison une importance considérable.

La maison ne fut au début qu'un petit magasin de commerce d'optique, ou plutôt de lunetterie ; puis, M. Louis Chevalier, opticien, fabricant de verres de lunettes, la garda quelque temps, et ce fut dans ses ateliers que M. Marie Radiguet père fit son apprentissage, pour continuer ensuite à travailler comme ouvrier dans les ateliers de M. Jocker, constructeur en optique et qui le premier employa les outils à découper pour les châsses de lunettes. (Voir dans notre dernier numéro : Coup d'oeil rétrospectif sur la lunetterie, liste des brevets.)

Lorsque M. Marie Radiguet succéda en 1830 à M. Louis Chevalier, il adjoignit à la maison de vente la fabrication des glaces parallèles : la perfection de ce travail, qui resta sans rival, fixa l'attention des ingénieurs. On sait que les glaces à surfaces planes et parallèles ont pour but de ne donner qu'une image et sont indispensables aux instruments à double réflexion. La marine qui s'en servait beaucoup autrefois pour relever le point, c'est-à-dire pour prendre la hauteur de l'horizon, n'a plus besoin aujourd'hui de ce qui lui était alors indispensable. Les navires à vapeur sillonnent les mers, et l'on connaît si bien les chemins, que les sextants sont devenus à peu près inutiles ; et c'est ainsi que, grâce à la science, ce qui était bon la veille est inutile le lendemain. La loi du progrès pousse en avant : les chercheurs sont dépassés par d'autres chercheurs, et l'humanité profite sans cesse de ces assauts continuels de la science qui, elle, n'est jamais en repos.

Quoique amoindrie, la production des glaces parallèles n'est pas arrêtée entièrement, et l'un des fils de M. Radiguet, M. Julien Radiguet, opticien à Evreux, en a conservé la fabrication qui lui a été laissée en toute propriété par sa famille.

Un moment, MM. Radiguet crurent toucher à la fortune, avec leurs glaces parallèles : ce fut lors de la découverte de MM. Niepce et Daguerre, dont on sait que les épreuves daguéréotypées s'obtenaient en sens contraire, c'est-à-dire de droite à gauche. La glace parallèle redressant ces images, il y avait tout lieu de penser à un débit considérable ; mais une nouvelle découverte, la photographie, en donnant les images droites, vint détruire tous les rêves de fortune, et les sacrifices faits par MM. Radiguet dans cette voie furent perdus pour eux. Ce fut, on le comprend, une crise des plus pénibles. Mais comme dans cette famille, le travail est comme un sacerdoce, s'il y eut arrêt, il ne fut que temporaire. M. Arthur Radiguet, le chef actuel de la maison, aussitôt la guerre de 1870 terminée, entreprit la fabrication de pièces détachées pour la petite mécanique scientifique, fabrication qui a de nouveau confirmé le renom de MM. Radiguet et rendu de si grands services aux élèves des diverses écoles, ainsi qu'aux amateurs et constructeurs, qui trouvent là, réunis sous leurs mains, tout ce qui est nécessaire à la petite machine à vapeur.

Plus tard, M. Arthur Radiguet entreprit l'étude de l'électricité, au point de vue de la création d'instruments de démonstration, lesquels prirent leur place à côté de ceux de la petite mécanique, et, certes, cette place n'est pas effacée, car les progrès réalisés montrent combien la volonté et le travail réunis peuvent faire contribuer au succès d'une idée.

Pauvre gueux, mon collègue, je ne te dirai pas : éclaire-toi par ce système, tu n'en as nul souci ; mais je te dirai : si tu veux te rendre compte de l'expérience, la démonstration t'en sera faite avec autant d'urbanité que si tu pouvais acheter, car la science se propage autant par le dire que par l'emploi.

A côté de l'Allumeur-Extincteur, il faut placer le Syphon qui s'amorce par le souffle, au lieu de s'amorcer par aspiration, très heureuse application qui permet de faire un tel transvasement que ce soit, sans crainte d'absorber ni même de recevoir dans la gorge un liquide quelconque.

La nouvelle pile domestique de M. Radiguet appelle aussi l'attention des amateurs d'électricité, surtout pour faire fonctionner l'Allumeur-Extincteur, auquel elle apporte une grande économie d'usage, puisqu'elle permet l'emploi de tous déchets de zinc.

Vingt médailles d'or, d'argent, de bronze et de mérite, les unes attribuées aux glaces parallèles, les autres à la petite mécanique ou à l'électricité, ont récompensé les travaux de MM. Radiguet. Ne pouvant les dénommer toutes, nous ne nous arrêterons que sur celle qui fut décernée à M. Honoré Radiguet, président de la chambre syndicale des instruments de précision, en reconnaissance de son activité et de son dévouement comme membre des comités d'admission et d'installation à l'Exposition de 1878.

On parla beaucoup, à cette occasion, de demander pour M. Radiguet le ruban de la Légion d'honneur ; mais un peu trop de modestie personnelle, devant les démarches à faire, firent échouer cette idée. Mais ses collègues à l'Exposition et les exposants réunis de la classe XV, Optique, voulant lui laisser un souvenir de leur vive sympathie, lui offrirent par souscription un chronomètre de grande valeur.

Ce n'était pas la Croix ! mais nul doute que si la mort n'était pas venue, en septembre 1887, briser cette existence si remplie d'activité, nous n'ayons vu l'Exposition de 1899 réaliser les projets de 1878.

Dans l'impossibilité de nous étendre plus longuement sur la fabrication de M. Radiguet, nous ne pouvons mieux terminer cet article, inspiré par la considération que nous éprouvons pour cette honorable maison, qu'en la recommandant aux amateurs désireux d'être servis consciencieusement.

                                                                                                          J. Rouyer

 

 

RETOUR SOMMAIRE RADIGUET